1944

 

 

En février, les Allemands décident de frapper les maquis et se lancent dans une vaste opération de répression. Ils mettent également tout en œuvre pour dissuader la population de leur venir en aide.

 

23 février : 23 partisans du groupe Manoukian sont condamnés à mort et aussitôt fusillés. Des affiches sont apposées un peu partout pour en informer et dissuader la population.

 

22 mars : Au plateau des Glières, non loin d’Annecy, les Allemands, appuyés par la milice, donnent l’assaut à un groupe d’environ 500 maquisards. Ceux qui ont survécu ont été torturés avant d’être à leur tour massacrés.

 

9 avril : Une vaste opération est menée dans le Jura contre un regroupement de résistants.

 

Pendant ce temps, Pétain tente de rétablir son autorité, le 26 avril, il se rend à Paris pour « rendre hommage aux victimes des bombardements » Il y reçoit un accueil triomphal. Inspirés sans doute par ce succès, les Allemands exhortent le maréchal à organiser une tournée en Zone nord.

 

2 juin : À Alger, le CFLN se transforme en Gouvernement provisoire de la République française.

 

6 juin : C’est le début de l’opération Overlord. À minuit, des parachutistes sont lâchés à l’embouchure de l’Orne. À 6 h. les Alliés débarquent sur les plages de Normandie.

 

8 juin : En Italie les alliés attaquent Civitavecchia, un port situé au nord-ouest de Rome. À Vichy, la milice est mobilisée pour mener le combat contre la Résistance et les Alliés.

 

L’armée allemande devient nerveuse et les SS ont recours à des atrocités. À Tulle, le lendemain 9 juin, elle exécute par pendaison 99 otages. Le 10 juin, 648 habitants sont massacrés à Oradour-sur-Glane et le village est incendié.

 

13 juin : Les Allemands attaquent le maquis du Vercors qui résiste durant 2 mois.

 

Les Alliés encourageaient l’activité des maquisards à qui ils parachutaient des conteneurs remplis d’armes. Leur rôle était devenu essentiel car on leur confiait l’objectif de maintenir les positions des régiments allemands sur l’ensemble du territoire français afin d’éviter leur concentration dans une contre-offensive. Abritées derrière les fortifications du Mur de l’Atlantique qui couvrait tout l’ouest de continent européen, les armées allemandes étaient extrêmement puissantes et organisées. Il fallait empêcher Hitler de grouper ses forces sur la tête de pont du débarquement et mieux encore, le contraindre à disperser ses troupes.

 

14 juin : le général de Gaulle débarque en France.

 

17 juin : La ville de Hambourg, au nord de l’Allemagne est bombardée par les avions alliés.

 

19 juin : L’armée soviétique entre en Finlande.

 

21 juin : Berlin subit un bombardement massif par les avions alliés. Les destructions sont importantes et la population doit se terrer pour survivre.

 

23 juin : L’Armée rouge lance son offensive en direction de la Pologne et pénètre en Biélorussie.

 

27 juin : Les Américains s’emparent du port de Cherbourg.

 

30 juin : À Copenhague, les résistants danois attaquent les troupes allemandes.

 

4 juillet :L’Armée rouge s’est emparée de Minsk, au centre de la Biélorussie.

 

7 juillet : La ville de Caen est bombardée par les avions alliés. Deux jours plus tard, elle tombe aux mains des Britanniques.

 

15 juillet : Les Américains se sont rendus maîtres du Cotentin et l’Armée rouge s’empare de Vilnius, capitale de la Lituanie.

 

18 juillet : Les Soviétiques ont atteint la frontière polonaise.

 

19 juillet : En Italie, les Alliés ont atteint Ancône, ville située sur l’Adriatique, au nord de Rome.

 

20 juillet : Un attentat est fomenté par des militaires contre Hitler. L’opération échoue.

Un matin, alors que nous nous rendions à l’école, nous étions attendus par l’instituteur qui nous regroupa dans la cour d’entrée. De là, nous apercevions des voitures militaires allemandes et des soldats vacant à diverses occupations. Un régiment était arrivé dans la nuit et avait pris possession des lieux. Dès que l’effectif de la classe fut au complet, notre maître nous fit mettre en rang et nous mena dans des locaux situés dans un bâtiment situé derrière l’église, jusque là réservé aux activités du patronage.

 

Je connaissais les lieux car ils servaient aux réunions organisées pour les enfants de prisonniers et leurs mamans. Il arrivait parfois que des dames nous occupent en nous apprenant des chansons traditionnelles. Il y avait à cet usage un petit livre en mauvais papier, imprimé en bleu, sur lequel nous pouvions lire les paroles. J’y ai notamment découvert la triste histoire de l’épouse du « Sire de Framboisy » C’est un document que j’ai toujours conservé.

 

Mon oncle Ernest, que j’appelais « Mon grand Parrain », s’occupait beaucoup de moi. Il avait monté sur le cadre de sa bicyclette une petite selle que j’enfourchais et je me trouvais ainsi transporté dans le mouvement de va et vient de ses deux grandes jambes. Il jouait de la trompette dans une harmonie que dirigeait M. Gay. Il m’amenait parfois aux répétitions.

 

Il m’avait un jour amené à la salle Stella qui était alors un théâtre. On y donnait Carmen, l’opéra de Georges Bizet. Je me souviens des grandes tentures rouges avec leurs croix gammées qui descendaient des murs. J’ai été fasciné par le spectacle que j’avais résumé à Maman à mon retour par cette phrase : « Tellement il l’aimait, il l’a tuée ». Avec le recul, je me dis que j’avais tout compris.

 

Il s’était marié pendant la guerre avec « Mademoiselle Marguerite » et je revois encore ma tante Simone, venue de Besançon pour assister à la cérémonie, ajuster son chapeau qui se portait légèrement penché et me dire « Désormais, il faudra l’appeler Tante Marguerite ».

 

 

Parfois ma tante Marguerite venait me chercher. Elle m’emmenait passer la nuit chez elle lorsqu’elle était seule. J’ai compris bien plus tard que mon oncle s’absentant de temps à autres pour une activité de Résistant, ma présence lui permettait de mobiliser son esprit afin d’oublier le danger que courrait son mari. Elle habitait non loin de l’église Saint-Georges, nous accédions à son logement en passant par une cour intérieure pavée avec de grosses pierres à la surface inégale. Il nous arrivait aussi de passer la nuit dans une cave aménagée en abri. Je me rappelle que sa propriétaire portait toujours un ruban noir autour de son cou.

 

 

 

À cette époque, Mamée m’emmenait le dimanche à l’église St Georges, un édifice doté de deux orgues, l’un ayant pour vocation d’accompagner la chorale, l’autre extrêmement puissant, qui faisait vibrer l’atmosphère. Nous assistions à la grand-messe de 9 h 30, accueillis par le Suisse en bicorne et uniforme tenant sa hallebarde, pour une célébration très dynamique. Parmi les fidèles, il était fréquent d’observer la présence de soldats allemands en uniforme. Après le traditionnel « Ite missa est », la cérémonie se terminait souvent par un hymne à la Vierge dont j’ai mémorisé une partie du refrain « Marie, notre Mère chérie …Entends du haut du Ciel ce cri de la patrie … Catholiques et Français toujours… ».

 

Le chant entonné par les choristes était ensuite repris en chœur par la foule puis souligné par le servant des grandes orgues. La dernière phrase était exprimée avec une telle puissance que je sentais l’air de l’église entrer en vibrations. J’avais conscience qu’elle affirmait notre résistance et nos espoirs de retrouver une liberté que je n’avais jamais connue et j’observais alors attentivement les hommes en uniformes les plus proches. Mais ils restaient toujours impassibles. Je crois me souvenir que l’organiste s’appelait M. Chapuis.

 

En 1944, les raids aériens et les lâchers de bombes étaient fréquents. Parfois, nous entendions le bruit de la sirène d’alerte, sans perdre un instant, nous descendions à la cave qui était en sous-sol. Les murs des maisons dotées de caves étaient signalées par la mention « ABRI » peinte sur les murs. La cave était sommairement aménagée pour permettre à une douzaine de personnes d’y passer éventuellement la nuit.

 

Un jour, de retour à l’appartement après une alerte, en ouvrant le placard aménagé derrière la fausse fenêtre, nous avons constaté des dégâts provoqués par un éclat métallique. Un livre auquel j’étais particulièrement attaché avait été déchiqueté. Il était magnifiquement illustré et contenait des textes de fables et de chansons. Il avait été offert à Anne-Marie et Mamée l’utilisait quelquefois pour me faire lire. J’en étais et j’en suis toujours malade.

 

La place rectangulaire qui s’étendait devant le palais de justice constituait un grand espace sur lequel nous aimions jouer aux billes (on jouait à la roulotte et à la capitale). Un jour, Maman arrive tout affolée pour me faire rentrer d’urgence à la maison. Elle avait entendu le claquement de coups de feu. Jusqu’au lendemain, elle était très inquiète car ma sœur était chez une copine et elle était sans nouvelles. Mon aînée est revenue le lendemain, la mère de son amie avait jugé plus prudent de la garder chez elle en sécurité mais elle ne disposait d’aucun moyen pour avertir et il aurait été fort imprudent de mettre le nez dehors.

 

Le lendemain, le bruit courrait qu’un prisonnier avait réussi à s’échapper et nous en parlions avec délectation en nous retrouvant dans la cour de l’école.

 

 

22 juillet : Les Alliés s’emparent de Pise et atteignent le golfe de Gênes.

 

23 juillet : L’Armée rouge s’empare de Lublin, au sud-est de Varsovie. Elle y constitue un gouvernement polonais rival de celui qui s’est réfugié à Londres.

 

Le gouvernement polonais en exil à Londres ne répondait pas aux vues des autorités soviétiques. En 1944, sous l’égide de l’URSS s’était constitué un organe politique concurrent, le Parti ouvrier polonais qui fédérait localement les forces désireuses de prendre le pouvoir.

 

En 1944, le Parti ouvrier polonais procède à la création du Conseil national polonais, il constitue en juillet le Comité polonais de libération nationale qui prend le pouvoir à l’arrivée de l’Armée rouge à Lublin.

 

Ce comité se transformera en Gouvernement provisoire au début de 1945.

 

23 juillet : Répondant à un ordre général de déclenchement d’opérations de guérilla, le maquis du Vercors attaque les troupes allemandes. Comme il ne dispose que d’armes légères en nombre insuffisant, il est rapidement décimé par un régiment SS.

 

28 juillet : L’Armée rouge franchit le Niémen et atteint l’Estonie.

 

31 juillet : Les Alliés prennent Granville, la Normandie est libérée. Les Russes atteignent Riga en Lettonie.

 

La 2ème division blindée française, commandée par le général Leclerc de Hautecloque, débarque à Arromanches.

 

 

1er août : C’est le début de l’insurrection de Varsovie.

 

Seuls contre les Allemands, et sans aucune aide extérieure, les résistants polonais libèreront leur capitale après un mois de lutte.

 

9 août : Toute la Bretagne est désormais aux mains des Alliés. von Choltitz est nommé commandant militaire du « Grand Paris ».

 

11 août : La 2ème Division blindée française libère Alençon.

 

15 août : débarquement allié sur les côtes de Provence. La 1èr Armée française, commandée par le général de Lattre de Tassigny, appuyée par les Américains débarque entre Saint-Tropez et Saint-Raphaël.

 

17 août : Les Américains ont atteint Dreux, Chartres et Orléans. L’ambassadeur d’Allemagne demande à Pierre Laval, de transférer le Gouvernement français de Vichy à Belfort.

 

19 août : Insurrection parisienne. Les FFI (Forces françaises de l’intérieur) occupent la Préfecture de police alors que la 2ème Division Blindée française s’approche de la Capitale.

Le même jour se déclenche une insurrection populaire à Toulouse.

 

20 août : l’Armée rouge progresse en Roumanie et en Ukraine. Le maréchal Pétain quitte Vichy sur l’ordre des Allemands. Il déclare qu’il se considère désormais comme leur prisonnier.

 

22 août : En Italie, les Alliés atteignent Florence.

 

24 août : La 1ère Armée française et les FFI libèrent Marseille.

 

25 août : Von Choltitz signe la reddition de la garnison allemande de Paris. Bien que la ville ne soit pas encore totalement sécurisée, le général de Gaulle procède aussitôt à l’installation du Gouvernement provisoire de la République française.

3 septembre : Libération de Lyon par la 1ère Armée française appuyée par les Américains.

 

 

 12 septembre : Libération de Vesoul par la 1ère Armée française et les Américains.

 

Ma tante Marguerite était venue me chercher quelques jours plus tôt lorsqu’elle avait appris qu’un bruit courait selon lequel les libérateurs se trouvaient à Besançon, c’est à dire à 50 km au sud. J’avais donc passé avec elle le temps nécessaire à la délivrance de la ville bien à l’abri dans sa cave près de la place de l’Église. Lorsque nous avons pu en sortir, je me rappelle le changement de l’orientation de la pièce d’artillerie qui j’avais toujours vue dirigée vers le sud. Ce jour-là il était dirigé sur les collines de Frotey qui dominaient la sortie de la ville côté nord-est.

 

J’observais alors les colonnes de soldats américains qui étaient chargés de sécuriser la ville. Je les vois encore remonter la rue d’Alsace-Lorraine, marchant en files, distants de quelques mètres, le premier de la colonne entrait dans chaque couloir pour s’assurer qu’il n’y avait plus aucune présence ennemie. Je me rappelle également avoir vu des soldats allemands, tête nue marchant, les bras relevés croisés derrière leur tête, devant les soldats libérateurs porteurs d’une arme.

 

23 novembre : La ville de Strasbourg est délivrée par la 2ème DB. Le serment de Koufra est accompli.

 

24 novembre : Leclerc est à Strasbourg et le 15ème Corps d’armée américain combat dans les Vosges où l’armée allemande s’est positionnée pour résister.

 

10 décembre : Une délégation française dirigée par le général de Gaulle et par Georges Bidault est reçue à Moscou par les dirigeants soviétiques.

 

La France cherche à s’affirmer comme nation participante à la libération de l’Europe afin de s’ouvrir l’accès aux négociations qui devront nécessairement faire suite à l’achèvement des opérations militaires.

 

Au cours du mois de décembre, les Français se livrent à l’épuration . Les jugements des tribunaux militaires et des « tribunaux populaires » établis à la hâte justifient parfois des règlements de compte personnels.

 Du 16 au 28 décembre : Contre-offensive allemande dans les Ardennes.

 

 Les armées allemandes contraintes au recul se sont regroupées dans les forêts des Ardennes afin d’échapper à la vue des aviateurs qui ne cessent de les bombarder ou de les mitrailler. Hitler, qui se refuse à reconnaître sa défaite, leur donne l’ordre de continuer l’ attaque. Obéissant à cette directive, les militaires allemands tentent de fragiliser la ligne de front alliée. Les combats sont extrêmement violents mais les Allemands, considérant aussi que la route de retour vers leur patrie se fragilise, finissent par s’incliner.